[Interview] Rochane Kherbouche évoque pour Educadis les nouveaux enjeux des TICE dans la formation professionnelle et l’Éducation nationale

Publié le 08/02/2016 à 11:08
[Interview] Rochane Kherbouche  évoque pour Educadis les nouveaux enjeux des TICE dans la formation professionnelle et l’Éducation nationale

Rochane Kherbouche est un expert des Technologies de l'information et de la communication (TICE) et de l’ingénierie pédagogique. Il est actuellement expert TICE chez Bruxelles Formations.

Rochane a répondu aux questions d’Educadis sur sa vision des TICE dans les nouvelles techniques de formation professionnelle, et dans les programmes de l’Éducation nationale, en France et en Belgique.

 

 

Quelle est votre formation, puis votre parcours professionnel ? Comment vous est venu cet intérêt particulier pour les TICE et l’ingénierie pédagogique ?

 

J’ai suivi des études scientifiques pour devenir ingénieur en génie civil, jusqu’à l’obtention d’un doctorat à l’École centrale de Lille. Par la suite, j’ai eu le choix de me diriger vers la formation académique – universitaire, ou bien la formation continue pour adultes. J’ai opté pour cette dernière option, en tant que consultant et formateur indépendant. Ensuite, je me suis intéressé aux écoles de la deuxième chance dont le concept est fort attrayant pour la réinsertion professionnelle des jeunes.  J’ai participé à l’aventure de la naissance des écoles de la deuxième chance du Grand Lille en étant formateur. C’est un excellent laboratoire pédagogique dans le sens où nous ne sommes pas cloisonnés par des programmes figés et où l’innovation avec un public ne demandant que de sortir des vieilles habitudes de l’Education Nationale est propice. J’ai également développé au début des années 2000 une passion pour l’informatique et surtout pour son intégration dans des dispositifs d’apprentissages. Les réseaux sociaux m’ont convaincu qu’il est possible d’apprendre avec les autres à travers des interactions en synchrone ou en asynchrone

Toutes ces expériences m’ont permis d’envisager une reconversion en tant que techno-pédagogue. J’ai ainsi réalisé un Master 2 d’ingénierie pédagogique multimédia à l’université de Lille en 2011 – 2012 ; je suis vraiment entré à cette période dans le grand bain du numérique.

 

Au cours de vos activités, vous avez eu l’occasion de côtoyer le milieu académique, en formant et sensibilisant aux TICE des professionnels de l’enseignement. Quels types de réaction avez-vous rencontré, face aux nouvelles technologies éducatives ?

 

En 2014, j’étais à l’Université numérique régionale du Nord Pas-de-Calais, employé en tant qu’ingénieur en technologie de la formation. J’ai eu pour mission de sensibiliser les enseignants des universités aux outils du web 2.0, et également d’élaborer une banque de ressources et d’outils pour les accompagner. Cela m’a permis de faire le tour des responsables TICE des universités de la région  (Lille, Calais, Arras, Valenciennes…). J’ai ainsi notamment mis en place des activités de formation fondées sur la classe inversée, aux niveaux des différentes structures de l’université numérique régionale.

Les réactions ont été assez partagées. Les responsables TICE des plus importants établissements universitaires accueillaient mes propositions de manière nuancée ; ils avaient un peu de mal à comprendre l’intérêt de la pédagogie inversée pour leurs enseignants, voire même ne comprenaient pas l’intérêt de la classe inversée par rapport aux TICE. De manière générale, le milieu universitaire est assez susceptible et demeure sur la défensive, ne souhaitant pas être remis en cause dans sa gestion pédagogique. Cependant, après leur avoir expliqué que je possédais moi-même une expérience dans l’enseignement, mes initiatives étaient mieux considérées. Je suis resté quelques mois à ce poste d’ingénieur en pédagogie de la formation, puis j’ai eu l’opportunité d’intégrer Bruxelles Formation en tant qu’Expert TICE.

 

Vous êtes désormais expert TICE chez Bruxelles Formations. Quel est l’objectif de cette structure publique, et quelles sont vos activités principales ?

 

Bruxelles Formation est un grand opérateur et régisseur de la formation professionnelle pour les chercheurs d’emploi, équivalent de l’AFPA en France. L’objectif principal de ma mission consiste en l’acculturation numérique pour le personnel de l’organisme et la sensibilisation des formateurs au numérique, afin de leur prodiguer une valeur ajoutée dans les formations qu’ils dispensent. Les stagiaires bénéficient ainsi d’apprentissages nouveaux, avec un impact immédiat sur leur formation et sur leur emploi.

Nous mettons en place des ateliers d’échanges de bonnes pratiques ouverts aux pédagogues de Bruxelles Formation  mais aussi aux partenaires, nous avons mené une enquête sur les “e-profils” de nos stagiaires et nous avons été agréablement surpris par les résultats obtenus : 93% ont une connexion internet, 87 % sont équipés de PC, plus de la moitié ont un smartphone et ils sont plus de 70% à être d’accord pour apporter leur équipement mobile (BYOD)

Par ailleurs, j’accompagne les formateurs en valorisant leurs talents par la création de tutoriels vidéo ou la mise en place d’activités avec les tablettes.

Nous sommes actuellement en phase d’expérimentation de la solution Google Apps For Education (Bruxelles Formation a été reconnu organisme “Edu” par Google) qui va probablement nous apporter de nombreuses solutions de mutualisation et d’interactions entre formateurs et stagiaires

 

Quelle est la place du numérique dans la politique éducative de la Belgique (enseignement national et formation professionnelle) ?

 

De nombreux débats se déroulent actuellement en Belgique. Je viens de participer à un colloque sur la fracture numérique au parlement de la fédération Wallonie-Bruxelles et je me suis rendu compte qu’un gros travail est réalisé pour l’école numérique, le passeport TIC  ainsi que l’intégration et l’inclusion des NEET’s, ces jeunes sans emploi, éducation ou formation.

Il existe des initiatives de la commission européenne pour sensibiliser certains organismes à la fracture numérique. Les écoles wallonnes en sont actuellement à leur troisième plan numérique, qui a débuté à la mi-2014. Les actions menées concernent aussi bien l’enseignement public, avec par exemple les écoles souhaitant intégrer les tablettes numériques dans leur pédagogie, que les secteurs privés et publics. Dans ces derniers cas, les institutions souhaitent avant tout mettre en avant le numérique dans le but de réaliser un apprentissage à valeur ajoutée notamment pour l’insertion professionnelle.

 

En France, après plusieurs décennies de latence au niveau du numérique dans l’enseignement, les choses semblent enfin évoluer, avec de multiples annonces gouvernementales médiatiques depuis la rentrée 2014. Que pensez-vous du « grand plan numérique pour l’École de la République » ?

 

Une concertation nationale sur le numérique à l’école s’est déroulée depuis le début de l’année, réalisée par le ministère de l’Éducation nationale. J’ai été frappé par le panel des personnes interrogées : 46% d’enseignants, 16% des personnels de l’éducation, et seulement 11% d’élèves. L’avis des apprenants me paraît fort peu pris en compte, bien que pourtant, a priori, prioritaire. La mise en place du numérique à l’école s’adresse pourtant à eux, il semblerait logique de leur demander quel serait pour eux l’idéal en matière d’apports pédagogiques nouveaux.

Ce plan numérique qui démarrera véritablement en 2016 est très prometteur mais j’espère que les enseignants pourront accompagner leurs élèves en changeant radicalement de posture et en comprenant clairement que l’outil technologique doit être au service de la pédagogie à condition que cette dernière change et ne persiste pas que pas dans la transmission des connaissances. J’entends par ceci que le savoir ne se transmet pas mais il s’approprie et c’est justement aux politiques de favoriser la construction de dispositifs pédagogiques riches en interactions ne laissant pas certains sur la touche

 

Le e-learning a continué sa montée en puissance mondiale en 2014, et poursuit spectaculairement son expansion en 2015. Même la France, passablement voire franchement en retard, est rattrapée par le phénomène MOOC. Quels sont vos pronostics pour le numérique dans les années à venir ?

 

La France est certes en retard, mais pour ma part je sensibilise régulièrement les formateurs au courant des avancées numériques en partageant avec eux une veille que je mène notamment à travers les réseaux sociaux. Pour ce qui concerne les MOOCs, je tente de mettre en lumière l’intérêt de ce dispositif gratuit et ouvert à tous. Le problème, c’est que la plupart des formateurs souhaiteraient voir le temps de suivi des MOOCs valorisé, ce qui n’est pas toujours le cas, loin de là.

Je pense que l’avantage essentiel des MOOCs est de montrer aux gens tout ce qu’il est possible de réaliser grâce au numérique. Selon moi, l’amplification massive de l’usage des MOOCs est inéluctable, ce qui ne signifie pas pour autant que les écoles et les établissements scolaires vont disparaître. Il va cependant être nécessaire de repenser la logique de l’enseignement. La vieille pédagogie frontale de l’enseignant devant ses élèves ne correspondra plus aux nouveaux codes. Le distanciel et le présentiel vont probablement se confondre et s’hybrider, pour former des espaces où les personnes pourront apprendre en échangeant.

 

Merci à Rochane Kherbouche d'avoir répondu aux questions d'Educadis.


Cours de langue gratuit chez notre partenaire Babbel

Babbel

TEST GRATUIT
Contactez-nous